Sunday, July 25, 2010

"LES DEUX PAUVRES", par Léon Frapié





LÉON FRAPIÉ (Paris 1863-1849)
Romancier français
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Léon Frapié collabora d'abord à des revues et à des quotidiens, puis écrit quelques romans.

Mais c'est "La Maternelle" (prix Goncourt 1904), qui lui valut la notoriété.
Ce roman était une peinture émouvante et désabusée des mœurs enfantines dans une école des quartiers pauvres.

D'une manière générale, l'œuvre de Léon Frapié se rattache à la tradition du roman réaliste.




" LES DEUX PAUVRES "
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Dix francs, monsieur, c'est un bon chien.
.... Oui, monsieur, il n'est plus très jeune; on l'a donné à mes parents quand j'étais tout petit il y a sept ou huit ans.
Mais ce n'est pas parce que Fanor devient trop vieux qu'on désire le vendre; c'est que la morte-saison se prolonge, on n'a pas pu payer le terme, et l'on manque même du nécéssaire comme nourriture.
Alors mes parents m'on envoyé au marché des chiens; si quelqu'un achête Fanor, le peu qu'il mange sera économisé et l'argent que je rapporterait rendra joliment service à ma famille.



.... Oh ! non, madame, jamais il ne mord et pas de danger qu'il fasse du mal aux enfants. Au contraire, dans notre maison, il était l'ami de tous les enfants, depuis ceux de la concierge jusqu'à ceux du sixième étage.
Souvent, quand une maman partait en comission, elle demandait Fanor pour garder les mioches. Fanor se plaçait devant la fenêtre et il ne les laissait pas grimper, ou bien, l'hiver, il surveillait les abords du poêle.

.... Cet endroit où manquent des poiles?
Oh! non, madame, cela n'indique pas une maladie; c'est une brûlure.
Justement, comme je vous disais, une fois que Fanor gardait une petite fille, elle voulait absolument toucher au feu; il a tourné pour l'en empêcher, jusqu'à se faire griller tout le haut de l'épaule....



... Pourquoi pleures-tu, Fanor? Moi, regarde, je ne pleure pas...
Mes yeux brillent et je m'essuie comme ça la joue, mais je t'assure, Fanor, c'est par distraction...
Et tu vois bien, tous ces chiens sont à vendre, comme toi, Fanor...
C'est l'habitude, pour les toutous petits et gros, de changer de maîtres...
...Quelle drôle de manie!
Fanor, tous les passants disent de toi: Oh! ce chien n'est pas beau.

Cela ne signifie rien du tout, que tu ne sois pas beau, tu est si bon!
Ils ne savent donc pas : la beauté, ce n'est qu'un morceau; la bonté c'est la part entière...
Et d'abord, les gens se trompent : tu n'est pas vilain, autrement on aurait peur de toi.
Est-ce que les enfants ont peur de toi, dans la maison, dans la rue?
Au contraire, ils courent tous après de toi, ils te roulent, jouent au cheval sur ton dos; ils te tirent par la queue sans ménagement...

Tu te rappelles, Fanor, quand j'étais petit, on allait à l'école ensemble; tu me conduisais jusqu'à la porte et tu ne manquais jamais la consigne pour m'attendre à la sortie de quatre heures.
Et tous les élèves te connaissent, et, quand les rangs défilaient sur le trottoir on n'entendait que : <>
Puis beaucoup de gamins t'appellaient, pou rire : <> Tu ne bougeais pas.
Mais si un petit camarade s'en allait en pleurant, tu me quittais et tu l'accompagnais, tout contre son tablier; tu te frottais à ses mollets pour lui montrer qu'il n'était pas abandonné de tout le monde.
Et quand on disait : <>, tu remuais la queue; <>, tu remuais la queue encore bien plus et tu léchais.
Mais si on disait : <>, alors tu tournais la tête et tu restais le nez baissé....



Dix francs, monsieur, c'est un bon chien... Oui, monsieur, il es bon gardien; du reste il comprend tout...
Alors, vous le prenez? Vous avez bien raison. Il n'y en a pas un pareil dans tout le marché...
Vous l'emmnenez tout de suite?....
Je veux vous dire comme dernier mot que Fanor n'a pas de défauts; s'il fait mal, il ne faudra pas le battre, ce sera involontairement.
Et si, tout de même, il ne se corrigeait pas immédiatement à votre idée, ce serait de ma faute;... ce serait moi qui, en le taquinant, l'aurais rendu désobéissant;... alors quand je viendrais pour avoir de ses nouvelles, il vaudrait mieux s'en prendre à moi.

Pardon, je me baisse... Oh! pour rien, monsieur, pour voir si la ficelle est bien attachée à son collier....


.... Vite, Fanor, embrassons-nous.





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LÉON FRAPIÉ

"M' ame Préciat"
(Calmann-Lévy, édit.)

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