(suite) JEAN BAPTISTE LAMARCK
(continuation)
L’organogenèse se fait par le mouvement des fluides qui se fraient des passages au sein du « tissu cellulaire » (c’est-à-dire le tissu conjonctif aujourd’hui), le compriment et provoquent la formation de membranes. En retour, cette organisation facilite et active le mouvement des fluides ; activation qui accroît l’organisation et la différenciation des parties, et ainsi de suite (à quoi s’ajoute une excitabilité du tissus qui, chez les animaux, exacerbe le mouvement organisateur)[9].
Il reprend en cela l’embryogenèse de Descartes – laquelle est radicalement à l’opposé de son idée d’animal-machine – qu’il augmente des connaissances physiologiques de son temps. Lamarck, avant toute chose expose ainsi une théorie physique des êtres vivants à partir de laquelle il élabore ensuite une théorie de la transformation et de l’évolution des êtres vivants.
UNE THÉORIE DE L'ÉVOLUTION
Cette dernière consiste en deux tendances opposées, d’une part la complexification sous l’effet de la dynamique interne, qui enrichit les organismes d’organes et de fonctions nouvelles, et d’autre part une tendance à la diversification des organismes en fonction des circonstances qu’ils rencontrent, c'est-à-dire une forme d'adaptation de l'être vivant à son milieu.
LA TENDANCE À LA COMPLEXIFICATION
Lamarck considère que les êtres vivants les plus simples, les « infusoires », apparaissent par génération spontanée.
Ces êtres sont des petites masses gélatineuses avec quelques mouvements de fluides internes, provoqués par la chaleur. La simplicité d’organisation leur permet d’apparaître spontanément, comme le produit naturel des lois physiques.
A partir de ces êtres très simples, se forment des êtres un peu plus complexes, bénéficiant de l’organisation des premiers qui leur a été transmise par ce que l’on appelle depuis August Weismann l’hérédité des caractères acquis (voir ci-dessous).
A partir d’eux s’en forment d’autres encore plus complexes, et ainsi de suite, jusqu’à ce que soient formés des êtres vivants aussi compliqués que les mammifères et l’homme.
Et cela sans faire appel à autre chose qu’aux lois de la physique.
On peut comprendre la tendance à la complexification des espèces, c'est-à-dire l'apparition des ordres, classes et embranchements, comme une conséquence de l’accroissement autocatalytique du mouvement des fluides, d’abord dans l’individu, puis à travers les générations successives.
Ce mouvement étant responsable de l’organisation de l’être vivant, et son accroissement étant la cause de la complexification de cette organisation au cours du développement embryonnaire de l’individu, on ne fait donc que prolonger ce principe à travers les générations, à la faveur de l’hérédité des caractères acquis.
La reproduction sert de relais entre les étapes successives nécessaires à la nature dans ses productions faute d’une complexification continue d’un seul être (elle-même liée à l’endurcissement des tissus lors du développement).
La complexification des espèces repose donc sur le même principe que la complexification progressive de l’organisme au cours du développement ; l’une prolonge l’autre à travers les générations.
Lamarck différencie l’animal et le végétal par le fait que les tissus du premier sont irritables, alors que ceux du second ne le sont pas.
L’irritabilité est la faculté de répondre, par une contraction, à une stimulation quelconque.
Chez les animaux, la principale conséquence de l’irritabilité des tissus est une intériorisation de la cause excitatrice des mouvements de fluides, surtout chez les animaux supérieurs. Ceux-ci sont alors beaucoup moins dépendants du milieu extérieur que les animaux inférieurs et les végétaux, pour tout ce qui concerne les mouvements de fluides.
Ainsi la vie des animaux supérieurs acquiert-elle une plus grande autonomie par rapport au milieu, ce qui a des conséquences importantes pour la transformation des espèces.
Si Lamarck emploie les expressions de «progrès dans l’organisation» et de «perfectionnement des organismes», il ne faut pas se méprendre sur leur sens en y projetant l’idéologie du progrès actuelle.
Lamarck se contente de constater empiriquement cette échelle de complexification des êtres vivants, des «infusoires» à l’homme ; il emploie le terme de «progrès» dans le sens d’une progression à travers une suite graduelle de complexité non comme tension vers une fin idéale, et le terme de «perfectionnement» dans le sens d’acquérir des facultés plus éminentes, de nouvelles fonctions et des organes différenciés non comme une augmentation des performances ou une meilleure adaptation au milieu.
Il faut éviter de projeter là-dessus un jugement de valeur inspirée par l’analogie avec le progrès technique.
Pour Lamarck, cette complexification des êtres vivants n’est donc pas attribuable au seul hasard, ce n’est pas un accident, c’est un produit nécessaire de la dynamique interne des êtres vivants ; seule sa forme est contingente, étant le produit des circonstances.
Une interprétation erronée de cette tendance à la complexification des êtres vivants au cours de l'évolution consiste à l'amalgamer à l'idée mystique de l'échelle des êtres.
Or, dans l'introduction de son Histoire naturelle des animaux sans vertèbres, Lamarck s'oppose explicitement à un tel amalgame :
"Assurément, je n’ai parlé nulle part d’une pareille chaîne. Je reconnais partout, au contraire, qu’il y a une distance immense entre les corps inorganiques et les corps vivants, et que les végétaux ne se nuancent avec les animaux par aucun point de leur série.
Je dis plus ; les animaux mêmes, qui sont le sujet du fait que je vais exposer, ne se lient point les uns aux autres de manière à former une série simple et régulièrement graduée dans son étendue.
Aussi, dans ce que j’ai à établir, il n’est point du tout question d’une pareille chaîne, car elle n’existe pas."
LA TENDANCE À LA DIVERSIFICATION
Lamarck le dit clairement: Si la tendance à la complexification avait été seule à jouer, la progression de la composition des animaux eût été régulière.
C’est une question sur laquelle il revient plusieurs fois; notamment pour expliquer que dans la nature on ne trouve pas une échelle régulière des êtres, mais seulement une gradation par «grandes masses» ;
À l’intérieur de ces « grandes masses » les êtres ne respectent pas une gradation linéaire, mais ils ont une diversité qui est la conséquence de la diversité des circonstances auxquelles s’est heurtée la tendance à la complexification.
Les circonstances sont donc responsables de la diversité des espèces, et, en même temps, ce sont des perturbations de la régularité de l’«ordre naturel», qui n’apparaît alors que dans ses grandes lignes.
L’influence des circonstances est plus ou moins marquée, selon les parties de l’être qu’elle touche.
Moins un organe est essentiel à la vie, plus facilement il pourra varier au gré des circonstances, et donc plus ses transformations s’éloigneront d’une complexification linéaire.
C’est notamment le cas des organes qui sont en relation directe avec les circonstances extérieures.
Les organes dont le fonctionnement est purement interne, sans relation directe avec le milieu extérieur seront moins facilement modifiés par les circonstances.
Comme souvent ces organes sont les plus important, cette constatation est utile à la classification des formes vivantes, car elle permet de déterminer ce qui chez elles est essentiel et ce qui est accidentel.
Chez l’animal, du moins chez l’animal un peu évolué, les circonstances externes n’agissent pas directement.
Les nouvelles circonstances créent de nouveaux besoins; ceux-ci entraînent de nouvelles actions de l’animal, qui deviennent de nouvelles habitudes et modifient son corps selon le principe «la fonction fait l’organe» (bien que Lamarck ne l’ait jamais lui-même formulée ainsi); laquelle modification devient héréditaire sous certaines conditions.
Les circonstances ne peuvent donc que déclencher une action, et non modifier directement l’organisation corporelle (comme chez les végétaux); et c’est cette action qui, répétée, modifie le corps.
Inversement, le défaut d’utilisation d’un organe, non seulement l’affaiblit, mais le fait disparaître.
Lamarck donne donc la priorité aux besoins, et non aux organes.
Il en donne quelques exemples qui sont restés célèbres et qu’on cite en général avec ironie, notamment celui du cou de la girafe.
Voici ce qu'écrit Lamarck à propos de la girafe :
«Relativement aux habitudes, il est curieux d'en observer le produit dans la forme particulière et la taille de la girafe (camelo-pardalis):
On sait que cet animal, le plus grand des mammifères, habite l'intérieur de l'Afrique, et qu'il vit dans des lieux où la terre, presque toujours aride et sans herbage, l'oblige de brouter le feuillage des arbres, et de s'efforcer continuellement d'y atteindre.
Il est résulté de cette habitude, soutenue, depuis longtemps, dans tous les individus de sa race, que ses jambes de devant sont devenues plus longues que celles de derrière, et que son cou s'est tellement allongé, que la girafe, sans se dresser sur les jambes de derrière, élève sa tête et atteint à six mètres de hauteur (près de vingt pieds).»
Darwin et d'autres auteurs anglo-saxons semblent en avoir déduit que c'était la volonté de l'animal qui était à l'origine de la transformation de certains organes.
Cette interprétation erronée des idées de Lamarck, inspirée par L'Eloge funèbre écrit par Cuvier, semble venir d'une erreur dans la traduction anglaise de la Philosophie zoologique, où l'idée que l'effort résultant des habitudes dans la satisfaction des besoins de l'être vivant a été improprement traduit par le terme désir.
LA NÉCESSITÉ THÉORIQUE DE L'ÉVOLUTION
Lamarck cherchait à comprendre ce qui différencie les êtres vivants des objets inanimés étudiés par la physique.
En effet, l’existence même des êtres vivants atteste le fait de l’évolution parce que leur présence ne pourrait résulter du seul jeu actuel des phénomènes physico-chimiques.
Par exemple, un flocon de neige ou n’importe quel cristal de glace est le produit de circonstances atmosphériques particulières (humidité de l’air, température, etc.) à un instant donné, et il disparaîtra avec elles.
Le flocon de neige est le produit du seul jeu actuel des conditions atmosphériques, et dès que celles-ci se modifient, il se transforme en conséquence ; éventuellement commence à fondre.
Le flocon de neige est tout entier le jouet des circonstances qui l’environnent immédiatement, il ne possède en lui-même aucune activité autonome qui puisse maintenir son organisation, au contraire d’un être vivant.
N’importe quel être vivant, même les plus simples actuellement connus (et ils sont forts différents et certainement déjà beaucoup plus complexes que les tous premiers êtres vivants apparus il y a environ 3,5 milliards d’années), ne peuvent se former spontanément à partir des circonstances actuelles.
Non seulement il n’y pas de génération spontanée de mammifères évolués, comme des souris ou des rats à partir de vieux chiffons, comme on le pensait encore au XVIIIe siècle, mais il n’y en a pas non plus de bactéries les plus simples, comme Pasteur l’a établi plus tard.
Tout être vivant naît à partir d’un être vivant.
De là, s’il existe des organismes plus complexes que d’autres (ne serait-ce que des êtres pluricellulaires, qui ont une organisation différente des êtres unicellulaires, comme les bactéries), c’est nécessairement qu’il y a eu une histoire pour en arriver là, c’est-à-dire une évolution des espèces.
Autrement dit, l’idée d’évolution est avant tout une nécessité théorique pour comprendre la présence des êtres vivants complexes, c’est-à-dire des êtres vivants qui ne sont pas seulement le produit du jeu actuel des phénomènes physico-chimiques, mais également le produit d’une construction et d’une élaboration historique de ces phénomènes en une organisation de plus en plus complexe et différenciée.
Lamarck avait le premier compris ce point.
Darwin, que l'on oppose souvent à Lamarck, cherchait avant tout à découvrir L'Origine des espèces, c'est-à-dire à comprendre comment les êtres vivants s'adaptent à leurs conditions d'existence sans faire intervenir les "créations spéciales", les explications créationnistes de William Paley.
Et il est curieux de voir qu'encore aujourd'hui, cet argument puissant en faveur de l'évolution n'est toujours pas compris de la plupart des évolutionnistes.
LA THÉORIE DE LA TRANSMISSION DES CARACTÈRES ACQUIS
L'histoire de la biologie a fait de Lamarck l'auteur d'une «théorie de la transmission des caractères acquis».
La transmission des caractères acquis était pourtant admise depuis Aristote et jusqu'à August Weismann, qui, à la fin du XIXe siècle, la rejettera plus pour des raisons théoriques qu'il ne la réfutera expérimentalement.
Lamarck, dans toute son oeuvre, ne propose aucune théorie de l'hérédité, il ne fait que reprendre les idées courantes chez les savants de son époque sur le sujet. Lamarck n'a, pas plus que ces prédécesseurs, théorisé cette transmission, il n'a fait que l'intégrer sans la discuter à sa propre théorie de l'évolution, comme le montre cette citation :
« 4° loi : Tout ce qui a été acquis, tracé ou changé dans l'organisation des individus pendant le cours de leur vie, est conservé par la génération, et transmis aux nouveaux individus qui proviennent de ceux qui ont éprouvé ces changements.
Cette loi, sans laquelle la nature n'eût jamais pu diversifier les animaux, comme elle l'a fait, et établir parmi eux une progression dans la composition de leur organisation et dans leurs facultés, est exprimée ainsi dans ma Philosophie zoologique (vol. I, p. 230).
«Tout ce que la nature a fait acquérir ou perdre aux individus par l'influence des circonstances dans lesquelles leur race se trouve depuis longtemps exposée, et, par conséquent, par l'influence de l'emploi prédominant de tel organe, ou par celle d'un défaut constant d'usage de telle partie, elle le conserve, par la génération , aux nouveaux individus qui en proviennent, pourvu que les changements acquis soient communs aux deux sexes, ou à ceux qui ont produit ces nouveaux individus.»
Cette expression de la même loi offre quelques détails qu'il vaut mieux réserver pour ses développements et son application, quoiqu'ils soient à peine nécessaires.
En effet, cette loi de la nature qui fait transmettre aux nouveaux individus, tout ce qui a été acquis dans l'organisation, pendant la vie de ceux qui les ont produits, est si vraie, si frappante, tellement attestée par les faits, qu'il n'est aucun observateur qui n'ait pu se convaincre de sa réalité.
"Histoire naturelle des animaux sans vertèbres (vol. I, p. 62)"
En revanche, c'est Charles Darwin, dans La variation des animaux et des plantes sous l'effet de la domestication (1868), qui théorisera cette transmission des caractères acquis.
Pour certains, les travaux actuels de l'épigénétique pourraient réhabiliter, au moins partiellement, les thèses de Lamarck.
===========================
AH, OUI, CERTES, ..........
ET ÇA C'EST CE QU'ON EST EN TRAIN
DE RÉCONNAÎTRE AUJOURD'HUI !!!!
__________________________________
LA RAISON PAR LAQUELLE JE ME SUIS
INTERESSÉE À J.B. LAMARCK
Une conférence-debat a ce sujet, dans l'Atheneum de Barcelone, a posé la
question de fond:
"ET SI LAMARCK AVAIT-IL RAISON ?"
Les études réalisés sur des jumeaux qui ayant le même ADN ont developpé caractères, maladies ou aptitudes tout à fait discordantes, faits par L'INSTITUT D'INVESTIGACIÓ BIOMÈDICA DE BELLVITGE (IDIBELL) de Barcelone, on mis en évidence, dit le Dr. Manel Esteller, l'influence cruciale de l'ambient ou le milieu sur la modulation de la base génétique.
L'épigénétique est aujourd'hui une des disciplines les plus importantes de la science, on le decouvre chaque jour.
Plus encore: cette discipline demontre que l'un des processus plus rélégué par l'évolutionisme traditionnel: "la transmission de certains charactères acquis"
pourrait être un mécanisme en vigueur et essentiel à l'evolution.
======================================
POSTERITÉ DE LAMARCK :
Il existe une rue Lamarck dans le 18e arrondissement de Paris.
Il existe une "rue Jean-Baptiste Lamarck" à Montbéliard (Doubs)
Une "Cité Scolaire Lamarck" est implantée à Albert (Somme) avec un Lycée Public Général et Professionnel, un Greta et un Internat.
===================================
...
0 Comments:
Post a Comment
<< Home