Wednesday, June 20, 2007

JAN HUS (o el deber de atestiguar)





JAN HUS

ou le devoir de témoigner


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La vie de Jan Hus fut un vrai drame chrétien ; son histoire bouleversante aurait pu inspirer des tragédies à Shakespeare ou Racine, et aux grands grecs, tant tous les éléments s'y mêlent et s'y déchaînent. A la sortie du Moyen-Age et au seuil des Réformes, il annonce toutes les luttes pour la liberté des consciences, la réforme de l'Eglise et la justice sociale. Il est le prototype de l'intellectuel engagé et du témoin fidèle, au cœur de cette Europe qui cherche déjà de nouvelles lumières. Mais c'est encore un siècle de ténèbres.

Jan Hus tient son nom de son village natal, au sud de la Bohême, Husinec où il vint au monde en 1369. " Capitale magique de l'Europe ", selon André Breton, Prague est au cœur du drame qui va se jouer entre les rois Charles, Venceslas IV, Sigismond, qui se succèdent, et les papes qui se concurrencent, pendant le grand schisme d'occident, à Rome, Pise, et Avignon : Urbain VI, Innocent et Martin V, et les autres dont on trouvera l'énumération sans gloire dans les manuels savants. La Bohême, encore divisée entre riches et pauvres, intellectuels de l'université et braves gens du peuple, et tout un commerce de biens et d'idées, qui va de la Baltique à la Crimée et de Kiev à Oxford.
Tel est le décor, grandiose et fragile, où le drame de Jan Hus va se jouer.

L'état de l'Eglise est déplorable comme l'avaient précédemment souligné Bernard de Clairvaux et François d'Assise, Maître Eckart et John Wiclif. La papauté qui consacre, avec Jean XXI en Avignon, jusqu'à soixante pour cent de son budget à faire la guerre, qui a partie liée avec les influents cardinaux français et va relancer la vente d'indulgences pour financer tant de dépenses peu chrétiennes ... Entre le haut clergé et le peuple fidèle existe un fossé social et culturel tel que Catherine de Sienne, une lumière vaillante, s'en prend au pape Grégoire XI pour le supplier de " se comporter en Jésus-Christ et de sauver l'Eglise de la division et de l'iniquité ".

Hus à l'Université, étudiant pauvre et très doué, se destine au sacerdoce. Il maîtrise évidemment le latin, mais aussi l'allemand et sa langue maternelle, le tchèque, qu'il va contribuer à forger comme langue populaire et religieuse. Il annonce la prédication de Luther et de Calvin, s'adressant à leurs contemporains. Modeste aussi, l'étudiant avoue : " Je sais que ce que j'ai appris est bien peu de choses par rapport à ce que j'ignore ". Et, comme le voulait l'usage universitaire, il participe à ces " disputationes " autour de thèses proposées à la discussion. Il récuse l'intellectualisme théologique, qui prétend enfermer la connaissance de Dieu dans des formules, défend la conviction que " Dieu doit être annoncé dans les mêmes mots que Jésus ". Et, professeur à l'Université, il devient doyen de la Faculté de théologie, puis est nommé, à trente deux ans, curé de la chapelle des Saints-Innocents, dite Bethléem où il va exercer son immense talent de prédicateur populaire. Il développe ainsi, et une piété vraiment évangélique, et un sentiment national très fort. Il ne manque pas de critiquer les prélats et les évêques, s'en prend à leurs mœurs et à leur orgueil religieux et politique. Evidemment, il tonne et il détonne.

Le prédicateur ardent est au bénéfice de la pensée réformatrice et courageuse du théologien anglais John Wiclif dont les écrits rayonnent sur l'Europe depuis l'université d'Oxford où il enseigne et appelle une réforme de l'Eglise. Trois points sont au cœur de ce message : la seule autorité spirituelle du Christ sur son Eglise, le témoignage initial et unique de l'Ecriture et la contestation de la présence réelle du Seigneur dans le sacrement. Ces revendications annoncent celles d'Erasme qui, un siècle plus tard, constate que " tout a été si bien embrouillé qu'il n'y a même plus espoir de ramener le monde au vrai christianisme ".

Les disputes tournent en tempêtes, frictions entre le roi Venceslas et l'archevêque de Prague, que ne peut départager une papauté qui a perdu toute autorité. Jan Hus est de plus convaincu qu'il faudra réunir un concile, tant pour rétablir la paix que pour établir la vérité. Dans la Bohême déchirée par les luttes intestines, Jan Hus est frappé d'excommunication, les œuvres de Wiclif sont brûlées, et quoique finalement plus modéré que l'anglais, le prédicateur de la chapelle de Bethléem est chassé de la ville. Dans les campagnes il va continuer sa prédication évangélique, qui entraîne un soulèvement populaire. Seul un Concile pourrait mettre fin à cette situation tragique.

Vers le concile dont le pape Jean XXIII a signé le décret de convocation. Jan Hus muni d'un sauf-conduit va s'y rendre pour défendre sa bonne foi catholique, et évangélique. Mais ses juges procèdent à des interrogatoires sans débat dans un aréopage dont nous n'avons pas l'idée : les représentants des grandes nations catholiques sont accourus, tous les prélats et les princes que compte l'Europe " chrétienne ", y compris des orthodoxes, des lithuaniens, des coptes. Parmi les censeurs de Jan Hus, le cardinal d'Ailly, de Cambrai, et son disciple Jean Gerson, chancelier de l'Université de Paris. Les grands inquisiteurs sont là, aidés des canonistes romains. Les débats tournent à la confusion, le pape s'enfuit, Jan Hus est arrêté et mis en prison ; après des semaines d'interrogatoires qui annoncent le Luther de Worms, il parle comme un premier protestant : " Dieu et ma conscience sont mes témoins, jamais je n'ai prêché ni enseigné les choses que les témoins invoquent contre moi ". On lui reproche de nier l'autorité de l'Eglise. De son cachot il écrit des lettres ultimes à ses amis de Prague : " C'est maintenant la fin. Je demande à tous de persévérer dans la vérité de Dieu ". Condamné, il dit : " Seigneur Jésus-Christ, pardonne à tous mes ennemis ".

Le bras séculier va pouvoir intervenir, puisque, selon les rites prévus, Jan Hus va être " réduit à l'état laïc " : on lui arrache publiquement les vêtements dont il a été revêtu pour cette parodie. Coiffé d'une mitre de carton sur laquelle sont peints des diables, il est emmené vers le bûcher au milieu d'une foule en délire : on le lie au poteau, entouré de paille et de fagots, et le feu est mis à ce bûcher. Tandis que montent les flammes, Jan Hus aurait chanté : " Christ, Fils du Dieu vivant, aie pitié de moi ". Enfin, au comble de ce martyre, on réduit ses os brûlés en poussière que l'on va jeter dans les eaux du Rhin. De Jan Hus il ne reste rien. On a pu le brûler, mais " on ne brûle pas la vérité ". C'était le 6 juillet 1415. Son ami Jérôme de Prague, qui était venu le soutenir, subira le même sort le 30 mai 1416.

La révolution hussite est en route, qui va provoquer une guerre fratricide et quinze années de malheurs dans une Bohême fanatisée. Mais les hussites perdirent la bataille du Mont Thabor, un Concile convoqué à Bâle en 1432 entreprit de rétablir la paix et l'Europe commençait à comprendre que " qui brûle les livres finira par brûler les hommes, la violence est une graine qui ne meurt pas ".

" Mais la Parole de Dieu demeure éternellement " et ce fut le devoir et l'honneur de Jan Hus que d'en témoigner fermement et jusqu'à la fin de sa vie terrestre.?

Michel Leplay


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